György RÓZSA |
Gutenberg ne va pas a la retraite - La coexistence entre l'héritage culturel et l'autoroute de l'information
Quelles sont les dimensions des relations entre l'héritage culturel,
la culture informatisée et la télématique en tant
que phénomene historique et social, et par rapport avec la modernisation?
Vraisemblablement ce probleme sera au coeur des défis principaux
au 21éme siecle. Cette question permet dans certaina mesure a l'analyse
et a la prévision du futur développement de la société
et de l'informatique (y compris l'écrit).
En effet jusque a présent on n'a jamais commu une telle domination
rapide d'une technologie a laquelle et la production et la culture seraient
soumises. Tout d'abord une observation, plutot historique, se refere aux
propos du Rabin Akiba comme quoi: Il n'y a du nouveau sous le soleil. Évidemment
la culture informatisée est nouveau sous le soleil et avec la télématique
sont les manifestations d'une nouvelle technologie de pointe. Une de leurs
réalisations - et peut-etre la plus importante - est représentée
par la bibliotheque virtuelle, soit l'intégration des bibliotheques
du monde entier, en d'autre terme de la totalité des connaissances
acquises par l'humanité.
Mais au tournant de ce siécle l'idée de l'intégration
institutionnalisée des informations a déja été
matérialisée en Belgique sur l'initiative de Paul Otlet et
du sénateur socialiste la Fontaine sous la forme utopique du Mundaneum.
Ce projet peut etre considéré comme le plus important mouvement
visant a l'accessibilité universelle aux informations provenant
de beaucoup de pays, produisant 15 miliions de fiches bibliographiques
jusqu a la fin des années d'apres la premiere guerre mondiale. Le
Mundaneum est le préliminaire historique de la bibliotheque virtuelle,
mais qui n'était pas en mesure de faire accessible cette richesse
bibliographique, faute d'un systeme de communication convenable.
C'est l'INTERNET1 qui
a l'ambition et, a la fois, les possibilités techniques d'entrer
sur la scéne mondiale de l'information et de jouer le role de la
globalisation des connaisences.
Comme hypothese on peut accepter l'idée de la culture informatisée
selon deux criteres principaux. Premierement: elle est le moyen de base
de l'enregistrement digital, de conservation des écrits, des représentations
graphiques et sonores les plus valeureux, des manuscrits et des archives
anciens et rares, ainsi que des incunables, des imprimes importants. C'est
une fonction de conservation des valeurs intellectuelles en assurant et
élargissant en meme temps leur accessibilité. Qu'il me soit
permis de me référer au sujet de cette fonction de conservation
au programme de mémoire mondiale lancé récemment par
l'UNESCO. Deuxiemement: la culture informatisée est a la recherche
de nouvelles possibilités de manifestation et de formes de créativité
intellectuelles. Il s'agit d'une fonction d'innovation culturelle.
En ce qui concerne la notion meme de la culture, ja suis d'avis qu'elle
est plus complexe que l'ensemble de l'éducation, les arts et les
sciences. La culture est a mon avis la dimension dominante des individus
et de la société. Si ce constat est vrai, ceci signifie que
la culture est un des moyens principaux - si elle n'en est pas le plus
déterminant - de la croissance économique. Pour moi dans
son contenu le plus large, la culture comprend les traditions, les diverses
formes de comportement humain, les habitudes familiales et sexuelles, les
gouts de consommation y compris la nourriture, les réflexes hygiéniques,
les loisirs, la tolérance, les rituels nationaux, sociaux et individuels.
L'ensemble de ces critéres caractérise la culture et influence
décisivement son rapport avec la croissance économique, conjointement
avec le travail et le profit. Ce sont les elements supportant la considération
de la culture comme facteur decisif du developpement.
Dans cette approche la culture est en fait la manifestation la plus complexe
et du plus haut niveau de l'etre humain. Pas dans ses éléments
donc, mais dans sa complexité. Quant a la vulgarisation des sciences,
les média, les moyens électroniques et les institutions culturelles
telles que musées, bibliotheques, salles de concert etc. jouent
un role primordial dans le transfer des connaissances, mais en soi ne représentent
la catégorie de la croissance. En ce qui concerne les sciences humaines
certainement il y a lieu d'analyser l'influence des spécialistes
en anthropoligie culturelle, en psychologie, en histoire des religions,
de la science de comportement ("behavior science") etc., par
exemple dans la préparation des investissements dans les pays en
voie de développement, dans le recrutement et dans le rendement
de la main d'oeuvre. Cette intervention ne peut etre remplacée par
aucune analyse économique ou technique. Il y a pas mal d'exemple
a ce sujet.
Ce qui a été dit dans le point précédent est
a la base des relations entre l'héritage culturel et la modernisation.
La modernisation a tout prix peut etre provoqué par les dictatures
de droite et de gauche également, pour diminuer le retard économique.
Mais cette formule de modernisation forcée exige en contrepartie
d'énormes sacrifices humaines. On peut en citer des exemples de
l'Est comme de l'Quest (chomage massif, augmentation de la criminalité,
forte baisse du niveau de vie, instabilité de la sécurité
sociales et d'autres inconvénients)... Ces phénomenes vont
au pair avec des crises structurelles. Ces crises sont provoquées
par les changements profonds de la technique. L'économie change
ses fondements techniques suivant un enchainement de découvertes
et d'innovations. L'ancien systeme technique subit alors un changement
crucial se répercutant sur l'économie meme et, par conséquent,
sur la société: il s'agit donc d'un renversement économico-technique
et social. Dans la seconde moitié du 20e siecle ce renversement
est caractérisé par la révolution électronique
combinee avec la technologie du systeme de communication, avec la télématique.
Une ere nouvelle arrive dans les pays les plus développés
industriellement. La productivité du travail dans ces pays augmente
d'une telle proportion que le nombre des travailleurs dans les secteurs
directement productifs connait une baisse de plus de 50%. Par contre le
nombre d'employés dans le secteur tertiaire des services ne cesse
d'augmenter. Ce phénomene plus l'électronisation peuvent
etre considérés en tant que société d'information
qui avance sur l'autoroute de l'information. Cette société
est a la fois a l'origine et le produit de cette "autoroute".
La culture informatisée se place dans le cadre de ce processus économico-technique
et social.
Ce qui vient d'etre dit met l'accent sur la culture de la modernisation.
Il est fort souhaitable que la transition technique d'un systeme a l'autre
a l'ere de l'informatique, se produise de maniere humaniste. Est-il réel
ce souhait? La transition technique ne doit se limiter au domaine et la
domaine des grandes entreprises multinationales, c.a.d. au secteur profit-orienté.
Le pouvoir public et les associations civiles devraient accomplir un role
de médateur. Autrement dit, pour les effets sociaux négatifs
accompagnant les changements techniques fondamentaux, c'est la paix sociale
qui est en cause. En outre, il faut essayer d'éviter ou de limiter
dans l'informatique la formation de monopoles lingistiques ou des moyens
électroniques. Aussi revient-il au pouvoir public de faire reconnaitre
et accepter le fait que l'héritage culturel et l'informatisation
ne sont pas en rivalité, ne représentent pas une option exclusive
l'un au détriment de l'autre, mais doivent suivre une formule de
coexistence. L'équilibre entre l'utilité des moyens traditionnels
et informatiques varie selon les branches et discipline culturelles, scientifiques
et économiques, toutefois évitant toujours l'iniformisation
et la monopolisation.
Comme synthese j'aimerai mettre en relief au moins trois éléments
de l'héritage culturel par rapport a l'informatisation. Celle-la
a un sens moral et psychologique (est-ce-que l'économie a long-terme
peut se développer dans l'absence de ces catégories, outre
de ses motivations de gestion, des affaires et scientifico-techniques,
a condition qu'elle exerce une influence positive sur les éléments
suivants:
a) langue nationale,
b) communication directe (dialogue) entre etres humains (y compris la trinité
de l'amitié, de la tendresse et de l'amour),
c) la création des emplois y compris culture du travail.
Pour terminer, j'aimerai me référer a une anecdote concernant
Pasteur. Ses collaborateurs ont observé que le vieux savant se promene
tous les jours apres son déjeuner au meme endroit en murmurant sans
cesse quelque chose. Par estime les chercheurs de l'institut ne l'ont pas
demandés ce qu'il murmurait pendant ces promenades. La solution
s'est présentée apres l'arrivée d'un nouveau membre
de l'équipe scientifique. Ce chercheur de petite taille a pu se
cacher derriere un rideau et entendre le chuchotement du maitre: "Il
faut travailler". On pourrait ajouter a ces propos la condition déterminante
d'avoir des emplois. C'est l'avenir de nous tous, le mot de passe du futur.
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Le texte de cette article se base sur le bouquin publié par l'aueur
en hongrois en décembre 1995, "héritage culturel et
société d'information" par les Presses de l'Argumentum,
avec l'avant-propos de Francois Fejtõ (Paris).
Bien entendu dans le livre se trouvent des références aux
sources et idées citées de quelques auteurs tels que Iván
T. Berend (UCLA, Los Angeles), György Klein (Karolinska, Stockholm)
et autres.
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1 Il y a une littérature
abondante a ce systeme universelle de communication. Y compris ses origines
des recherches militaires aux États-Unis.